Ma définition de la « Mission Humanitaire », est née lors de la rencontre d’un couple partant chaque année en Afrique. Leur mission est de livrer des colis à un village. Leur équipement se compose d’un véhicule tout terrain surmonté d’une tente de toit….
En conséquence, notre mission est semblable, à la différence près, que nous restons en Europe de l’Ouest, notre véhicule est très confortable, et, que nous dormirons à l’hôtel et dans un gîte.
La ville de Saint-Maximin, dans le département de l’Oise, est jumelée avec la ville de Figueiró dos Vinhos au Portugal. En Juin 2017, un incendie d’une grande ampleur et d’une force inimaginable ravage les forets aux alentours de la commune. Habitués aux feux de forêts, la caserne de pompiers est conséquente ; les hommes professionnels et bénévoles sont organisés et entraînés. Mais cette année, un élément perturbateur vient s’ajouter, et rend impossible la maîtrise du feu. Un vent violent et continu accélère l’avancée des flammes. Des flammèches se détachent du faîte des arbres et sont transportées dans les airs, créant des départs de feu à deux cents ou trois cents mètres plus loin.
Le feu s’approche rapidement des hameaux de Figueiró. Certaines familles sont évacuées, laissant les animaux et leurs biens. D’autres préfèrent rester et sauver leurs maisons. Elles s’organisent, les hommes préparent les tuyaux d’arrosage tandis que les femmes, les enfants et personnes âgées aménagent les caves. Manuel, saint-maximinois l’hiver, a mis à l’abri ses parents et sa femme Zumira dans la cave de la maison en pierres. Au jet d’eau, il a sauvé « sa maison ». Le feu s’est arrêté à cinq ou six mètres de celle-ci. Il nous a dit « si j’étais resté à St Maximin à ce moment-là, je n’aurais plus de maison ».
Le soir suivant, le feu est au pied du bourg de Figueiró. Antonio, pompier bénévole, a laissé sa femme dans l’appartement avec la consigne de tout fermer. Enfermée dans sa chambre, Anna sent la température monter et devenir difficilement soutenable. Les crépitements du feu à l’extérieur sont audibles. Sa peur est indéfinissable. Le matin, après une nuit blanche, elle se décide à sortir de sa chambre, et pénètre dans le séjour. La fumée, sale, irrespirable est entrée par le conduit de la cheminée et par les grilles d’aération. Elle ne voit pas l’extrémité de la pièce. Tout est imprégné par cette odeur inqualifiable et suffocante. Le feu a été stoppé à une dizaine de mètres du petit immeuble.
Tous nous ont dit, le plus impressionnant, c’est cette fumée épaisse, tenace, irrespirable qui s’infiltre partout dans les maisons. C’est aussi la chaleur intenable accompagnée de crépitements inquiétants. Tous nous ont dit qu’ils n’avaient jamais eu aussi peur.
Mais la catastrophe n’est pas là. Elle se situe sur la route. Dimanche 18 juin, des habitants rentrent d’une journée passée au bord de la mer ou d’un lac. Sur la route, à quelques kilomètres du centre-ville, ils sont pris dans cette fumée opaque, gris sale et chargée de particules. Elle est si épaisse, qu’ils ne voient plus la route. Un mur. Prudents, ils s’arrêtent. C’est l’accident, les voitures suivantes s’encastrent. Les flammes ne sont pas encore là. C’est la chaleur qui est la cause des décès. Cette chaleur estimée entre 800° et 900° (certaines pièces métalliques des voitures ont fondu) a causé la mort des personnes. Sortis de leur voiture, ils n’ont fait que quelques pas, et se sont effondrés comme « irradiés »…………
Ce sont des familles avec enfants, 64 personnes dont 17 habitants de Figueiró qui ont péri sur la route.
Informée, la municipalité de Saint-Maximin s’organise pour leur venir en aide. Ne connaissant pas avec précision les conséquences de la catastrophe, la pensée va vers les enfants. Deux actions sont menées en parallèle : une collecte financière et une collecte de vêtements.
La municipalité de Figueiró a reporté la venue d’une délégation saint-maximinoise.
Les derniers jours de juillet 2017, une délégation composée de 4 personnes se prépare : Gisèle 1ère adjointe au Maire, Daniel conseiller municipal accompagné de sa femme Marie-France, et moi-même. Missionnés par le Monsieur Maire de Saint-Maximin, nous devons remettre un chèque de 6400€ à Monsieur le Maire de Figueiró et les cartons de vêtements collectés.
Il est prévu la tenue d’un stand de produits français à l’occasion du FISHTRAIL« Festival Internacional de Pesta Lùdica ». Ces produits fournis par le Comité de Jumelage sont aussi dans le véhicule.
Au dernier moment, c’est-à-dire la vieille du départ, le Maire de Saint-Maximin téléphone à Gisèle pour l’informer de la venue du Président de la République du Portugal à Figueiró pendant notre séjour. Il lui conseille de prendre son écharpe tricolore.
Le 2 août 2017 à 9H30, c’est dans cet esprit que nous partons. La route est longue, 1680Kms. Deux chauffeurs seulement et les sexagénaires que nous sommes, sont obligés de s’arrêter à mi-chemin (Bayonne).
Repartis le lendemain à 7H20, nous arrivons le 3 août 2017 à l’heure souhaitée (avant 18H), mais en avance d’1heure (décalage horaire).
A partir de ce moment, nous ne gérons plus rien du tout. Tony, à la fois guide et accompagnant gère notre emploi du temps, en relation avec le Maire et les Adjoints de Figueiró. Les quatre saint-maximinois, ponctuels et un peu rigoureux font connaissance avec les heures portugaises, c’est-à-dire à plus un quart d’heure, parfois plus une demi-heure, quand il n’y a pas de changement de programme.
A 18H30, Tony nous embarque sur les « chapeaux de roue », pour aller chercher la délégation de Perkata (Hongrie) logée à 20 Kms. Ensemble, nous buvons deux ou trois gorgées d’un verre de bière, et, rapidement nous regagnons la mairie de Figueiró dos Vinhos.
Ce 3 Août 2017, vers 19H et sans information préalable, le Maire et sa première adjointe nous reçoivent dans la grande salle. Fatiguée, j’ai laissé l’appareil photos dans notre véhicule. Gisèle, qui a eu la présence d’esprit d’emmener avec elle le chèque et son discours, est conviée à s’assoir à côté du Maire. Sans protocole, le chèque est remis au Maire de Figueiró en présence des deux délégations, et de trois membres du Personnel de la Mairie. Tony assure les traductions en français et en anglais.
Le Maire, nous remercie sans plus, et, parait ennuyé. Nous nous attendions à plus.
La soirée se termine au restaurant du hameau « Casal de São Simão ». Epuisée, je me suis endormie à table, en attendant le dessert.
- Explications et incompréhension
Le 4 août, nous apprenons :
– que le Luxembourg a livré en juillet, deux semi-remorques de vêtements. Ces vêtements, dont la commune ne sait que faire, sont actuellement stockés dans le gymnase
– que les sinistrés ont été indemnisés par les assurances et que la commune et l’état ont déjà apporté l’aide complémentaire
Après réflexion, les habitants de Figueiró dos Vinhos ont déjà fait leur deuil. Ils ne sont pas dans le même état d’esprit que nous. Pour l’heure, leur esprit est à la fête : FISHTRAIL « Festival Internacional de Pesta Lùdica ».
Nous n’avions pas compris que : C’est à cette fête que nous étions conviés
Pendant les jours qui suivent, notre esprit n’a jamais été à la Fête. Nous étions mal à l’aise. Les jeunes pousses aux pieds des eucalyptus calcinés indiquaient la reprise de la vie. La forêt, par ci, par-là, renaissait de ses cendres. Nous n’avions pas pensé qu’il en était de même pour les habitants.
- Le Président de la République du Portugal (un Président hors du commun)
Gisèle n’a pas eu besoin de sortir son écharpe tricolore ; le Président n’a pas assisté au banquet qui suivait le concours de pêche à la ligne en bateau, 5 août 2017.
Le lieu d’embarquement et de débarquement des bateaux de pêche, est situé sur un dénivelé naturel. La société de pêche y a installé une cabane conséquente dont la buvette est à semi-enterrée. Une route goudronnée en impasse relie ce lieu au réseau routier.
A cette intersection un gendarme est de faction. Celui-ci nous interdit l’accès en voiture, l’arrivée du Président étant imminente,. Effectivement, quatre véhicules haute gamme s’engagent dans l’impasse. Pas de motard, pas d’escorte visible.
Un pêcheur de chaque bateau apporte le contenu de sa pêche. En attendant la pesée, les prises sont placées dans des paniers en plastique ajourés, maintenus dans des caisses d’eau. Le Président Marcelo Rebelo de Sousa, élu depuis le 9 mars 2016, est là. Incroyable en France, il donne un coup de main pour la pesée et « se prend » de l’eau plein les chaussures et le bas du pantalon. Imperturbable.
Le service d’ordre ? Quelques hommes en civil ou tenue estivale se mêlent à l’assistance.
La remise des prix faite, il est reparti comme il est venu.
Extrait du livre « Souvenirs, souvenirs….. »